Héloïse Bourdon, la romantique

Certains danseurs, certaines danseuses, ont leur public. Un public qui se damnerait pour voir l’objet de son adoration, ce public qui fond d’admiration devant chacune de ses apparitions. Héloïse Bourdon est, très certainement, l’une de ces danseuses, bien qu’elle ne soit que Sujet. Mais quelle Sujet…

Son parcours: Au fond, on sait encore peu de chose de la mystérieuse Héloïse Bourdon. De son parcours se dégage l’image d’une élève sérieuse: elle est rentrée à l’Ecole de Danse (2000), elle a fait ses classes, a été engagée (2007). Calme plat jusqu’en 2009, la demoiselle prend ses marques. Puis l’accélération: elle remporte le concours interne deux années de suite, là voilà Sujet en 2010. Viennent les premiers rôles de soliste : on la retiendra notamment dans La Bayadère en Indienne et dans les variations des Ombres, ou dans Don Quichotte en Reine des Dryades. Puis des rôles d’Etoile: Nikiya, où la public la découvre vraiment, Aurore (La Belle), Clara (Casse-Noisette), et une Odette/Odile dans Le Lac qui marqua les esprits en 2015. Sa Nikiya de décembre 2015 fût encore une fois très appréciée, et c’est elle qui fût choisie pour danser avec les Etoiles invitées de cette série (Kristina Shapran, Kimin Kim et Isaac Hernandez). Pourtant, elle se casse les dents sur le Concours chaque année, et reste au même grade depuis 5 ans…son public crie à l’injustice, mais elle reste pourtant relativement bien distribuée.  

Ses points forts : Héloïse Bourdon est une artiste habitée par son art, et qui ne se contente pas d’être simplement là (comme certaines de ses collègues du corps de ballet) mais danse véritablement et avec un engagement qui fait plaisir à voir. Elle a le sens du détail, utilise ses beaux bras pour raconter son histoire, a une belle musicalité, et une danse très « Ecole Française ».

Mais surtout, ce que j’aime chez Héloïse Bourdon, c’est l’aura de romantisme qu’elle dégage. Être une Ombre, un Cygne, semble chez elle une seconde nature. J’ai hâte de la voir pleurer, gémir, être bafouée, dans des rôles tragiques et peut être plus modernes (une Dame au Camélia ? Une Manon ? Une Juliette ?). Je ne garantis rien, mais je pense que cela pourrait être très intéressant. On tient peut-être la grande romantique des prochaines années ! A vrai dire, je pense d’ailleurs que dans la compagnie elle est l’une des rares à pouvoir tenir ce rôle au sein de la jeune génération.

Ses points faibles: La technique est en place bien entendu, mais je pense pas que l’on ait affaire à la plus grande technicienne du siècle…De plus la bonne élève réservée ressort parfois ce qui l’empêche de donner le meilleur d’elle-même, de se lâcher à fond. Enfin elle n’a encore que peu fait ses preuves dans le registre contemporain.

Ses succès en scène : Nikiya et Odette/Odile, bien entendu, sont probablement les rôles qu’elle a le mieux dansé jusqu’à présent.

La suite des événements : Notons tout d’abord qu’elle sera invitée sur la scène du Mariinsky le 5 avril prochain pour danser le Lac des Cygnes avec l’Etoile Timur Azkerov. Ce n’est pas donné à tout le monde, et ça tombe sur elle. Un signe ? Alors, Etoile, c’est pour quand ? Je vous propose deux scénarios. Premier, version happy-end, ou « Laura Hecquet »: elle finit par passer Première Danseuse et la nomination d’Etoile vient couronner tout cela. En espérant que cela ne vienne pas trop tard. Deuxième, version triste ou « Mathilde Froustey »: lasse d’attendre une reconnaissance qui ne vient pas, elle part chercher bonne fortune ailleurs. Vous aurez compris lequel des deux a ma préférence…

Bonus saison 2015/2016: Je croise les doigts pour une distribution en Giselle à la fin de l’année !

 

14 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Léa dit :

    Moi je croise les doigts pour une bonne distribution dans un ballet contemporain, car je partage votre avis sur ce « point faible ». D’un autre côté, si on ne la distribue pas, elle ne peut pas y faire ses preuves (ou décevoir et me faire admettre qu’elle n’a pas l’étoffe d’une étoile -car c’est un motif légitime de non-nomination)…

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  2. Audrey dit :

    Pas d’accord sur la légère fragilité technique que tu avances : pour preuve, elle s’en est tirée merveilleusement bien dans Themes&variations, mieux que l’Etoile que j’ai pu voir dans une autre distrib (et il est dit que la variation de la soliste dans ce ballet est une des plus difficiles du répertoire)

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  3. Audrey dit :

    Édit : et dans Gamzatti elle était sacrément solide ! (En plus de m’avoir conquise par son interprétation alors que j’avoue avoir été sceptique au premier abord quant à son appropriation du rôle de « méchante » princesse)

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    1. ildanse dit :

      Chère Audrey, Héloïse Bourdon a bien entendu une technique solide, et n’a rien à envier à la plupart des ses collègues, mais je pense que d’autres peuvent proposer une technique plus superlative 😉

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  4. Vic dit :

    Et elle était surtout beaucoup mieux que l’Etoile en titre et impeccable dans ETUDES qui est parait il une épreuve décisive quant à la reconnaissance d’une technique irréprochable ? Pour le contemporain elle était vraiment remarquable et remarquée avec Alice Renavant et Stéphane Bullion dans le Andea Auria de Edouard Lock , dans Agon, dans Sérénade, dans Palais de Cristal de Balanchine, dans le dernier Neumeier Troisième Symphonie. Ça, c ‘est du néo classique plus que du vrai contemporain, okay, mais si effectivement on ne la distribue pas dans du contemporain ? elle ne peut rien montrer. De toute façon elle est plus une ballerine classique romantique c’est clair que c’est sa nature. Mais c’est ce registre surtout dont on a besoin à l’Opéra pour maintenir la transmission de la danse française qui est en voie de disparition justement . Mais ne pas la nommer à cause de ça serait un faux prétexte, car à contrario, celles qui ont été nommées ne font pas l’unanimité, loin de là, en classique qui est pourtant le socle d’une nomination. Aux concours elle est parfaite ? Son Lifar Mirages était époustouflant, mais là il y a encore d’autres paramètres qu’il vaut mieux taire ici car on est pas dans la polémique, mais cette fille mérite amplement sa place au sommet de la hiérarchie, le reste c’est du bla bla bla. Quant on voit en plus qu’elle intéresse un Monsieur comme Fateyev pour danser un Lac (on touche au religieux) chez les Russes, on a pas besoin de se poser trop de questions. Mais à mon avis ça va se faire, elle est encore très jeune, 23 ans, pas 30 ans, comme Mathilde ou Hecquet . Elle va faire même une sacrée carrière grâce à tous ces méandres et ces étapes, voire peut être ces injustices qui la font bien connaitre et se faire apprécier, mais surtout forgent un caractère. Le sien promet d’être bien trempé. Bravo Héloïse.

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    1. ildanse dit :

      Cher-ère (?) Vic, je ne comptais pas les Balanchine et autres Neumeier comme du pur contemporains, comme vous le soulignez c’est du néo-classique. En effet elle est peu distribuée dedans, et c’est une ballerine auquel le répertoire purement classique sied certainement mieux (et, entre nous, si bien…). Je pointais juste cela comme un fait: pour ce début de carrière, on la retient plus dans le répertoire classique que dans du contemporain, je dirais à fortiori dans du contemporain pur et dur type Le Sacre, les ATDK, pour ne citer que la programmation récente. A voir pour la suite, en effet elle est jeune, tous les espoirs sont permis !

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  5. Laure dit :

    Très joli portrait d’une bien merveilleuse danseuse….
    Heloise Bourdon a TOUTES les qualités requises pour être nommée Étoile et continuer a faire honneur a l’Opera de Paris
    TOUT le reste est de la non information et de la non communication .

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    1. ildanse dit :

      Chère Laure, avec vous au moins TOUT est clair dans votre pensée 😉 Merci pour votre compliment, et merci de lire ce blog !

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  6. Lindor dit :

    Dites moi seulement où, dans quel grand théâtre au monde ou trouver un artiste qui chante ou joue ou danse des rôles principaux jusqu’à réussir à faire lever des centaines de spectateurs en standing ovation le retrouver le lendemain choriste ou figurant ou dans le fin fond d’un corps de ballet ? Réponse :
    A l’Opéra de Paris ma bonne dame et sans que ça pose le moindre problème.
    L’oiseau rare s’appelle Bourdon et le directeur Millepied
    C’est pas beau ça comme management ?
    On va bientôt dire « Pourvu que la nuit s’achève »

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    1. ildanse dit :

      Cher (-ère) Lindor, vous êtes un peu sévère ! Que votre amour de la demoiselle ne vous fasse pas perdre le sens de la mesure ! Je pense que si Héloïse Bourdon était Première Danseuse, votre critique envers le Directeur serait probablement justifiée. Mais il n’est pas (encore) question ici de nomination, mais de concours de promotion, où ledit Directeur ne dispose de toutes manières que d’une voie. Dès lors, le management de l’Opéra n’est pas directement en cause à mon humble avis.
      Merci de lire ce blog, et de participer au débat !

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  7. Elisa dit :

    J’aurais tendance à dire que votre scénario 1 n’est pas prêt d’arriver, et c’est bien dommage, car je ne vois pas quelle Etoile ou Première danseuse va partir en retraite d’ici la fin de la saison (autrement dit: pas de poste au prochain concours). Il n’empêche, Héloïse Bourdon est une magnifique danseuse qui rayonne littéralement en scène. Et je suis bien d’accord avec Audrey: sur les ballets en 3 actes comme sur des pièces très techniques, elle assure! Pour ne parler que de cette saison, son Thème et Variations était de la dentelle et sa Bayadère, hyper précise. Pour moi, ce qui fait vraiment la différence avec les autres ballerines, c’est le sourire d’Héloïse sur scène. Son plaisir à danser est palpable et ça peut expliquer le fait qu’elle est l’une des rares à faire se lever Bastille.
    Bon ok, je suis fan mais c’est vraiment une très belle danseuse 🙂

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    1. ildanse dit :

      Ah certes, pas pour cette saison ni probablement la saison prochaine…Cela dépendra des dates de départ de Marie-Agnès Gillot et Laëtitia Pujol, qui sont les plus anciennes Etoiles féminines…des départs qui personnellement me feront une drôle d’impression, ce seront des danseuses regrettées de mon côté. Stéphanie Romberg et Mélanie Hurel seront dans les mêmes eaux du côté des Premières danseuses. Dans le contingent, 4 places vont donc se libérer dans un futur relativement proche. Un espoir donc, mais beaucoup de concurrence encore…Nous verrons donc, comme nous l’avons dit plus haut dans les commentaires, Héloïse Bourdon a encore du temps devant elle, au fond 🙂

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  8. outratlantic dit :

    Heloise Bourdon je l’ai vue à Saint Petersbourg danser le Lac, c’était à couper le souffle tant techniquement que pour l’incroyable sensibilité dont elle a fait preuve surtout dans ce contexte si particulier du Mariinsky ou on est venus avec deux amies faire le voyage exprès depuis Montréal et ensuite on est allées voir Zakharova à Moscou qui était somptueuse, vraiment extraordinaire.
    Impossible de comprendre ce que l’Opéra de Paris fait avec Héloïse Bourdon en la maintenant Sujet, c’est aberrant J’espère que la nouvelle direction va mettre un point d’honneur à changer tout ça. C’est comme avec François Alu. Quelle honte que ces deux danseurs ne soient pas encore étoiles de cette compagnie. Il y a un vrai gros problème à résoudre entre le goût du public et celui de la direction. C’est peut être l’occasion avec Giselle. Mais Myrtha ? Hilarion ?…Il est temps d’ouvrir les yeux.

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  9. Lucie Ols dit :

    Vu la situation actuelle, elle risque de faire une Mathilde Forustey II …

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