Brunch avec la Danse- Dimanche 22 Mai 2016

C’est autour d’un nouveau Brunch avec la Danse que nous nous retrouvons ce dimanche pour debriefer ensembles l’actu-danse de la semaine

Marquons tout d’abord un moment pour l’anniversaire des adieux d’Aurélie Dupont: c’était le 18 mai 2015, dans L’Histoire de Manon. Une Etoile incroyable quittait la scène. Je l’ai peu vu danser « en vrai », j’ai beaucoup regardé de vidéos, toujours est-il que ça m’a fait un choc. Et de ce départ m’est né l’idée de ce blog (côté positif !). Un an après, la perspective d’un nouveau grand chantier…aller, photo souvenir:

La période est aux découvertes de saisons et aux abonnements. Les toulousains qui me lisent iront en particulier s’instruire de la prochaine saison du Ballet du Capitole sur le site Danse avec la Plume. Le même site propose un article très très bien foutu pour vous aiguillez dans vos choix au Théâtre de la Ville: pur balletomane classiciste (un peu comme moi…) que le contemporain a pour habitude de laisser sceptique ou spectateur plus ouvert à la découverte, chacun trouve son bonheur dans cet article !

Côté scène, l’évènement de la semaine, ce sont les Benois de la Danse: Oscars du monde chorégraphiques, ils ont récompensé cette année la Première Danseuse Hannah O’Neill pour son interprétation du rôle-titre de Paquita (Pierre Lacotte). On note également parmi les lauréats Kimin Kim, couronné pour son Solor de décembre dernier à Bastille. Hugo Marchand repart malheureusement bredouille, mais je crains que, face à la pyrotechnie d’un Kim repéré dans le même rôle, la tâche était ardue…Pour les autres résultats, c’est par ici. Comme je vous le disais la semaine dernière, Hannah O’Neill et Hugo Marchand dansaient ensemble le Pas de Deux d’Esméralda. Nous n’avons pas de vidéo complète de cette prestation, mais un petit aperçu de la coda:

On ira également voir avec intérêt les photos de la soirée, celle d’Hannah O’Neill est incroyable. Evènement dans le monde de la danse, récompense mythique offerte aux plus grandes Etoiles, mais très peu connu en France: on comprendra l’étonnement devant le peu d’échos médiatique sur le sujet:   

J’ai également lu avec un certain intérêt le papier qu’a consacré Ouest France au passage de l’Opéra de Paris à Brest la semaine dernière. Il donne la parole aux spectateurs, et les retours sont sévères: absence d’émotion, impression d’un « examen de fin d’année avec les répétitrices au piano », la journaliste résumant le tout en « une impression mitigée, en-dessous de l’évènement annoncé ». In Creases, toutefois, semble être sauvé du lot. Bien qu’ayant apprécié le programme de manière globale, je ne peux au fond que comprendre ce ressenti du public. Soyons intelligents deux minutes et posons nous les bonnes questions: que vient voir un spectateur quand il va à l’Opéra de Paris ? Au surplus un spectateur qui n’est pas parisien et qui découvre avec bonheur que la compagnie se déplace dans sa ville ? Il vient voir du spectacle, un ballet classique, il vient chercher « l’excellence » de l’Opéra de Paris dont il entend sans cesse parler, il vient chercher les Etoiles, sur scène et dans les yeux, il vient chercher ses rêves d’enfant d’être une princesse ou un chevalier ou du moins, de l’amour, des larmes, des passions. On lui a apporté un programme sympathique mais inégal, 100% américain, dénué de toute émotion, assez élitiste et demandant, à mon sens, une certaine culture de la danse pour l’apprécier pleinement. Mais en Bretagne plus qu’ailleurs, on ne vend pas une vache pour un cochon: ce n’est pas ce que les spectateurs venaient chercher. Je dois être honnête et reconnaître que je n’avais pas vu venir la chose, écrivant même la semaine dernière que le choix de programmation était « assez judicieux ». Mais au final, le problème est bien là, résumé dans le titre de l’article : « le ballet, léger, de l’Opéra de Paris ». Léger, comme sans importance, artificiel, incertain comme une bulle de champagne qui titille la langue pour s’évanouir aussitôt.

Ce constat, sans concession de la bonne ville de Brest, il est à mettre en relation avec cette interview absolument ahurissante de Benjamin Millepied. Passée assez inaperçue à mon sens sur les réseaux sociaux, cet entretien (en anglais) tourne pas mal autour du départ de l’Opéra de Paris. Morceaux choisis: « Je préfère rentrer aux USA et construire ce que j’ai commencé à mettre en place et créer un nouveau modèle artistique avec plus de liberté et de flexibilité. Ce n’est pas un problème de taille ou de prestige, mais de qualité des projets ». Si je voulais être de mauvaise foi, je dirais que de là à expliquer que le ballet de l’Opéra de Paris n’a pas une qualité de projet suffisante pour M. Millepied, il n’y a qu’un pas (mais ce serait, en réalité, déformer ses propos). Toujours est-il que « Benji » is « in a hurry » et n’a pas de temps à perdre avec une institution qui est certes « le joyau de la France » mais est « très vieille, avec des règles strictes et des problèmes ». Il en rajoute une couche avec le refrain de « le ballet a été créé par des gens blancs pour des gens blancs (…) je pense que nous devons nous demander  »est-ce que ça reflète notre temps ? » ». Cette question m’effraie: la poser, c’est se demander si un art « blanc et vieux » est adapté à des danseurs et spectateurs « multiculturels et jeunes ». Qu’on m’explique pourquoi ce ne serait pas le cas, quand tant de personnes sont la preuve vivante du contraire. Je sais (j’espère du moins) que cette idée n’est pas celle de Benjamin Millepied, mais à tenir un tel discours, l’idée se répand que le ballet classique n’est plus d’aujourd’hui, que c’est quelque chose de dépassé, qu’il faut aujourd’hui construire quelque chose de nouveau. Construire du neuf, du créatif, oui bien sûr ! Le faire au détriment de la danse classique du répertoire, la mépriser et le rabaisser à un art mort, jamais. Si Benjamin Millepied pensait vraiment cela, il ne serait pas danseur classique. Mais à répéter de tels concepts, il n’arrange pas l’image de son art dans l’esprit du public qui ne va pas assister à des ballets. Réclamer de « l’innovation, de la prise de risque, de nouveaux sujets », OUI ! Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.
Benjamin Millepied explique encore qu’il part car « j’aurais dû rester 20 ans avant que, peut-être, cela commence à devenir quelques choses correspondant à ma vision ». Rudolf Noureev est probablement un des danseurs qui a le plus bouleversé l’Opéra de Paris. Nouveau répertoire, nouveaux solistes, nouvelles traditions. Il n’est resté que 6 ans, n’était pas en France la moitié de l’année et était atteint du Sida. Millepied reste deux ans et jette l’éponge. Je vous laisse méditer là-dessus.

Laissons donc gentiment Monsieur Millepied revenir dans ses chers Etats-Unis et intéressons-nous plutôt, dans la catégorie portrait, à celui joliment consacré à Marc Moreau cette semaine.

A présent, parlons de Giselle. Elle a déjà pris place à l’Opéra de Bordeaux, ce qui nous permet d’avoir le très intéressant point de vue d’un chef d’orchestre sur la direction ballet. La venue de Vadim Muntagirov aux côtés de Dorothée Gilbert fait parler: pour tout savoir, on va lire l’article de Danse avec la Plume, où l’on apprend avec tristesse que c’est en raison d’une blessure que Josua Hoffalt est (encore !) privé d’un beau rôle d’Etoile. Restons sur ce site pour découvrir un très bel article sur les grandes interprètes de Giselle à travers les âges, et allons sur les Balletonautes pour tout savoir sur l’évolution de la fameuse scène de la Folie. Et en attendant mon petit mot sur les distributions, on peut déjà rigoler un peu avec cette remarque pertinente:

Bon, côté photo vidéo, c’est Alu-Mania cette semaine. En pleines répétitions avec Léonore Baulac et Sae Eun Park pour une Bayadère qui avait lieu hier soir à Kazan (Russie), l’ambiance avait l’être d’être très très sympa. Parce que je n’ai pas trouvé de concurrent sérieux sur Instagram pour aujourd’hui, pour l’ensemble de son œuvre et pour les aspects techniques et comiques de ces photos et vidéos…Enjoy:

Déjà la vraie vie des danseurs en répétitions, c’est aussi des vieux bobos dégueu:

Mais bon faut souffrir pour être Kung-Fu Solor (#BANZAI !): 

Et la Bayadère version danse du camping, on adore, on en redemande:

https://www.instagram.com/p/BFjtX4XE1Ds/?taken-by=saeeun_park

Notez qu’il m’arrive d’être un peu en galère pour trouver un danseur stylé de la semaine, et apporter un peu de variété de semaine en semaine. Si vous avez des suggestions, écrivez-moi sur Twitter ou Facebook, ou tagguez-moi sur Instagram ! Les conditions pour une photo de danseur stylé de la semaine: une photo, prise dans la semaine écoulée, d’un danseur, seul, et si possible en référence avec son actualité. Je compte sur vous… Aller, bonne semaine à tous, et peut-être à dimanche prochain si je ne suis pas trop occupé à debriefer Giselle pour vous !

8 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. hahaha !! le terme ahurissant est un euphémisme à la lecture de l’interview de Benji !! je ne l’avais pas vu passer, retiré que je suis dans mon vicomté d’un autre âge, mais j’avoue que de l’avoir maintenant lu je l’ai senti passer … bien en travers du gosier !! « la vie est courte j’ai 38 ans et blablabla » … Noureev était malade pour ne pas dire mourant et a remonté tous les ballets qui font depuis des dizaines d’années le prestige de la maison. Sa Bayadère est la carte de visite internationale de la compagnie et l’on voit bien que les programmes aussi dansés aussitôt oubliés ne sont pas ce qu’attend le public qui vient (et à plus forte raison pour la première fois) voir le Ballet de l’Opéra … je vais m’arrêter là et ne pas reprendre point par point les inepties pourtant pas fausses de Benji … comment a t il seulement pu croire que sa philosophie de la danse pourrait s’accorder avec celle de l’Opéra de Paris … c’est surtout çà qui me laisse totalement sans voix !
    quant à savoir si la danse classique peut encore plaire à des gens modernes et multi culturel je répondrai juste à Benji que nous avons presque le même âge et que je suis survolté à l’idée de me faire 5 « Giselle » en 20 jours ! … et j’ai beau être « vicomte » je n’ai plus de perruque poudrée depuis longtemps et je m’estime aussi connecté avec le monde moderne que n’importe quel blanc bec du nouveau monde …
    Hanna O Neill était un gros coup de coeur dans Paquita pour moi aussi et je suis ravi qu’elle ait été récompensée ! 🙂
    encore merci pour ce brunch désormais incontournable

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    1. ildanse dit :

      Merci pour votre avis désormais incontournable Monsieur le Vicomte 😉 En revanche, il va falloir vous connecter à Twitter pour être aussi connecté que vous voulez bien le dire ahah 😉

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      1. BA dit :

        Je ne suis chez aucun réseau social….. oui, oui cela existe encore…. mais je suis tout de même bien informée grace a des personnes comme vous et Monsieur le Vicomte 😊
        Soyez-en remercié !

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      2. ildanse dit :

        C’est pas grave de ne pas être « connecté » BA, c’est juste que j’aime bien embêter le Vicomte (et que quand on s’intéresse à la danse, Twitter est un outil extraordinaire d’info et de rencontres 😉 )

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      3. qu’on me donne le poste de directeur de la Danse et je twitterai plus vite que mon ombre

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  2. pascal dit :

    Parce que l’histoire est vite oubliée et réécrite, je préciserai que les « changements  » apportés par Noureev se sont fait à coup de thermos brulants balancées sur les danseurs, d’insultes , que la moitié du ballet à voulu se moboliser pour le virer , ce qui ne s’est pas fait puisqu’il était mourrant, qu’il a sacrifié un nombre incalculable de danseurs pour promouvoir SA génértaion , certes excellentes, de Legris ,Hilaire etc…et qu’enfin le ballet a même fait grève quand il a amené un danseur étranger directement étoile. Mais , l’histoire étant écrite par les vainqueurs et tout étant prétexte à ne pas montrer les (graves) travers de l’ODP…..

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    1. ildanse dit :

      Exact Pascal, 100 fois exact, ça c’est fait dans la douleur et la Thermos de Noureev est fameuse. Les grèves, etc, vous faites bien de le rappeler. Mais la comparaison est d’autant plus cruelle: loin d’être dans une situation aussi conflictuelle, Benjamin Millepied jette quand même l’éponge, alors que Noureev, s’il a fait souffrir ses subordonnés au passage, est resté quoi que souffrant lui-même de la situation (la psychologie du bonhomme n’était pas simple), et au final ça a plutôt payé…Non ?

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  3. Léa dit :

    J’ai un peu l’impression que BM se lance dans « l’Opéra bashing » pour s’assurer un retour plus facile aux States, en mode « c’est pas moi qui ait échoué c’est l’Opéra qui est nul ». (et sans doute un peu pour se remonter le moral et l’égo).
    Parce que les américains sont ce qu’ils sont, mais je leur reconnait en général des qualités de lucidité et de franchise face à l’échec. Je pense que les pros de la danse américaine savent discerner les faits : un jeune français star chez eux a accepté un poste de directeur d’une compagnie historique, importante et prestigieuse, dans sont pays, et il a échoué en raison (principalement) d’un mauvais management de la troupe, et il revient au bercail en espérant que cela n’ait rien changé pour lui. Sans doute sauront-ils admettre toute la lourdeur de l’Opéra (et se payer un moment de fierté US sur la modernité de leurs ballets) et la difficulté de la tâche, mais ils ne passeront pas à côté des maladresses managériales et de com de l’homme, car dans ce genre d’histoire les torts sont partagés. Bref, BM commence à perdre de sa crédibilité, il en fait trop.
    Pour ce qui est de Noureev, les temps ont changé et si on peut lui reconnaître d’avoir « tenu » le coup à l’époque, je crois aussi que de nos jours ce genre de comportements ne passerait plus.

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